Notre histoire

Huilerie Beaujolaise : fabrication d'huile et vinaigre artisanaux dans le beaujolais.
Présentation du moulin Huilerie Beaujolaise

Depuis ma naissance en 1880, le moulin que je suis a connu de multiples mues que je n’ai pas eu l’occasion de mettre en mots. Sans brasser du vent, j’ai souhaité prendre la parole.

Présentation du moulin Huilerie Beaujolaise
Présentation du moulin Huilerie Beaujolaise

Après tant d’huile coulée par mes presses, il est cocasse d’en appliquer quelques gouttes sur les gonds de l’entrée de ma mémoire. J’ai beau avoir souvenance des époques et des circonstances, je ne suis pas un de ces édifices proprets à l’histoire consignée dans un carnet. Mes volumes demeurent voilés de mystères, certains disent de mon souterrain qu’il confine aux cachots, et j’aime à croire que c’est à ces petites légendes que je dois aussi mon cachet. Mes murs ont vibré sous le poids de la meule, mes sols ont résonné sous les sabots ferrés des gendarmes montés ; ils ont même été battus et rebattus par les souliers des quincaillers. Les charrettes hippomobiles qui assuraient les livraisons furent remplacées par les camions, la fée électricité s’est penchée sur mon logis, mais je dois admettre que j’ai surtout fonctionné en vertu des manches retroussées, et d’un sens de l’effort jamais émoussé. Il faut dire que, lorsque la famille Montegottero s’est établie sous mon toit, j’ai tout de suite pressenti que ses membres relevaient de cette trempe-là.

La famille Montegottero

J’ai exigé des heures de labeur sans nombre avant de renaître de mes décombres. Il ne restait de mes vestiges mouliniers qu’un désordre de courroies sans moteur ; qu’une poignée d’appareils vétustes mais au futur prometteur ; qu’une pierre à concasser impatiente d’être délivrée de sept ans de torpeur. Sans me dérober, j’avoue avoir été délabré. J’étais l’un de ces trente moulins de la région, dont on remarque à peine la disparition. Je n’avais donc d’autre choix que d’être détruit ou réveillé. Et une fois que je le fus, pas question de rouler des mécaniques, de concevoir un bolide ou de s’improviser gros calibre ; tout au plus Jean-Marc a-t-il fait de moi un instrument pour s’émanciper, pour être libre. Je me rappelle les pelletées de fruits jaugées sans autre balance qu’une estimation faite à la main, les ajustements plus ou moins savants pour améliorer les protocoles en vigueur depuis deux-cents ans, les astuces bricolées pour éviter que mes fournées connaissent un sort infortuné. En plus des cagettes, j’ai engrangé mon quota d’anecdotes – de ces tranches de vie qui ravigotent, et sont contre l’abattement le meilleur antidote.

 

Bien sûr, les machines n’ont pas oublié les angoisses de tiroir-caisse ni les tonnerres de tristesse. Mais il n’y qu’à les interroger pour replonger dans les cadences incroyables, les coups de collier de tous les diables, et surtout les joies de l’huile qui se déverse.

J’ai fait ma route en observant celui qui m’a réparé faire la sienne. Plutôt que de m’offrir une rénovation ou une seconde jeunesse, aux Ardillats, c’est un autre moulin qui me seconde. Il me décharge du surcroît d’activité, et permet à nos huiles de parcourir le monde. Qu’on se rassure, la réussite internationale ne m’empêche pas de conserver cette tendresse envers Beaujeu et ses environs, les paniers du jardin que chacun rapporte pour que je les travaille à ma façon.

 

Aussi fièrement qu’au premier jour, je me plais à transformer courges, pavots et noisettes qui passent par mes fours, à les convertir en huile avec le même amour. J’admets que comme tous les retraités qui ont l’attrait pour la besogne, j’ai du mal à rendre le tablier : je poursuis sans vergogne, et quatre mois dans l’année. L’extraction d’huile vierge de cacahuète, j’en ai fait ma gourmandise. Un nez affûté captera toujours les notes grillées des arachides, ainsi que les effluves puissants qui se dégagent des poêles à vide, et font aussitôt penser au pain fraîchement toasté, ou à la douceur pralinée. Je ne me sens pas usé par les années, mais désormais de taille à assumer cette vocation de musée qui se devinait peut-être à mon penchant conservateur. J’ai fait ma part, et vu s’élargir la famille Huilerie Beaujolaise : il est temps que le petit nouveau reprenne les noix et travaille pour moi. Au fond, je lui cède ma place sans me voiler la face ; je le sais étudié sur la forme, et impeccable sur les normes.

 

Si je reste celui qui s’imposa par l’arôme en bouche, lui, tout briqué qu’il est, dirait qu’à mon contraire, il brille et se douche ! Mais ne vous fiez pas trop à ses allures de gendre idéal, à ses dimensions plus impériales : ce moulin-là a bien saisi les leçons de l’ancêtre, ainsi que les fondements de notre raison d’être – ne pas truquer et filer droit, honorer les traditions et faire ce que doit. À nous deux, nous faisons la richesse et le lien entre héritage et passion, entre modernité et technicité. Outre des engins conçus et réalisés sur-mesure pour accompagner la croissance de l’Huilerie Beaujolaise, les progrès lui tiennent aussi lieu d’assurance. D’ailleurs, l’assistance que lui prêtent informatique, et tous ses programmes, est moins une entorse à l’artisanat qu’un moyen d’en préserver l’âme : son paramétrage contrôle jusqu’au Newton la presse des fruits à la tonne, et sa base de données intégrée respecte la cuisson au degré près.

Huilerie Beaujolaise aux Ardillats

Autant de recettes perpétuant ce savoir-faire solidifié au fil des expérimentations, et que mon successeur a ensuite lissé de leurs approximations pour répondre aux règles de la grammaire culinaire. Autant de gains en efficacité qui lui ont conféré sa constance, et permettent de reproduire ce goût qui fait notre essence.

De vous à moi, obtenir une ribambelle de certifications aurait peu d’intérêt, si nous ne pouvions tous deux vous confier combien le plaisir du bel ouvrage continue d’être notre langage.