Jean-Marc Montegottero

Huilerie Beaujolaise : fabrication d'huile et vinaigre artisanaux dans le beaujolais.

Il suffit de remonter à l’enfance de Jean-Marc Montegottero pour comprendre que mécanique et débrouille en ont fait le terreau. Le gamin, qui se figurait en agriculteur à la tête de son exploitation, a compté sur la ruralité et l’espièglerie pour lui fournir la meilleure des préparations.

Jean-Marc Montegottero, fondateur de l'Huilerie Beaujolaise

Jean-Marc n’avait pas idée de se faire huilier qu’il bidouillait déjà les roulements à bille de ses karts, construisait des cabanes dans la forêt, et rassasiait les réservoirs des voitures aux abois. C’est pourtant sans grande pompe que ce pompiste adolescent fut présenté à ce qui deviendra sa vocation toute sa vie durant : un moulin en ruines – « car il faut parler de ruines ! » – découvert dans l’arrière-boutique de la quincaillerie tout juste rachetée par ses parents.


S’ils ne lui ont pas légué l’affaire – « on est très peu à rentrer dans ce métier sans avoir plusieurs générations de travail derrière soi » –, le futur dirigeant de l’Huilerie Beaujolaise hérita de ses ascendants une indéfectible volonté de faire. Pris d’affection pour ce moulin désaffecté, il put le faire sien grâce à l’appui du paternel mécanicien : « Je venais d’arrêter un projet, et c’est tombé que j’ai proposé à mon père de remettre en route le moulin. Il m’a répondu “vas-y, fonce. Si tu fais bien les choses, t’y arriveras”. C’est ce que j’ai fait ; j’avais dix-huit ans et un mois. » Cinq années de reconstruction, durant lesquelles ce technicien agricole de formation enchaîna les travaux de la terre, redoubla d’ardeur dans ces petits commerces où chaque soutien est salutaire, et développa, auprès d’un antiquaire, son « goût du beau » en transportant vases chinois et tapis d’orient. Cinq années de hardiesse, qui lui ont conféré tous les contours d’un homme qui presse : « Rétrospectivement, il y avait beaucoup trop de travail. Il fallait vraiment avoir le caractère pour ne pas réfléchir et se lancer là-dedans. Heureusement, je n’aime pas réfléchir ! » Avec cette même résolution qui lui permit de réparer le moulin, Jean-Marc trouva aussitôt un mentor qui accepta de le prendre comme poulain. Les prémisses de l’entreprise frémirent avec les fournées de noix cuites « à la couleur coquille d’œuf », tandis qu’un maître moulinier transmettait ses savoirs ancestraux au jeune Montegottero : « Gustave avait son vocabulaire ! J’ai voulu apprendre de lui ces vieilles techniques où on regardait le ciel pour savoir si la cheminée allait tirer. Pour s’assurer que la matière “faisait le sable”, il la prenait à cent degrés à mains nues ! »

En plus de cet apprentissage, Jean-Marc possédait une gourmandise « à faire peur ». Celle-là même qu’il a érigée en exigence absolue, et nourrie de ses souvenirs italiens, des jarres que son grand-père remplissait du nectar d’olivier : « Pour moi, l’huile, c’était comme tout : rien de plus qu’un produit. C’est quand j’ai commencé à le travailler que je me suis aperçu de sa complexité. » En cultivant sa forme d’excellence, l’artisan d’aujourd’hui veille à ce que qualité et quantité soient les deux versants de chaque goutte versée. Aussi, lorsque la saveur dévie du résultat attendu, c’est une cuve jetée, plutôt qu’une excuse chuchotée, pour celui qui ne sait pas se contenter – et met un point d’honneur à manger ce qu’il a semé :

Jean-Marc Montegottero, fondateur de l'Huilerie Beaujolaise

« Une huile, un fruit ! C’est une honnêteté que j’ai toujours suivie, même quand je ne gagnais rien : ne pas tricher, ne pas couper, ne pas recourir aux additifs. »

Si ses fleurons affleuraient dans les repas familiaux, les environs eurent bientôt beau jeu de s’y ameuter, afin que leurs fruits puissent s’y faire meuler : « Au départ, le but était de produire pour nous ; ça s’est avéré que lorsque les gens ont commencé à venir avec leurs fruits, et à repartir avec l’huile, ils étaient satisfaits du service. Puis tout s’est enchaîné. Aujourd’hui, je continue le travail à façon parce qu’il permet aux concernés et aux habitants d’entretenir une vraie relation avec leur arbre fruitier : la météo, les maladies, le temps que ça prend d’obtenir une récolte… Cela renforce le rapport à la terre. »


Les chefs étoilés se joignirent eux aussi à la constellation des clients : la Maison Troisgros, Jacques Lameloise, Frédy Girarnet et son second de l’époque, Philippe Rochat, puis les jumeaux Pourcel et Maison Marcon, sont parmi ceux qui rehaussent leurs plats, des fondamentaux à la garniture, de ce précieux filet, et l’ont incorporé à leur signature : « Le simple fait qu’un grand chef écoute mes suggestions, c’est une marque d’appréciation qui me procure énormément de plaisir et de fierté. »


Quand ses bouteilles d’huile ne sont pas penchées sur les tables au guide Michelin, Jean-Marc s’épanche de par le monde et ses chemins. En quête de passerelles avec les arts culinaires nippons ou à l’enquête des usages et des habitudes, il se rend au Canada, aux USA et même en Corée du Sud. Outre une diversification en épicerie fine qui le ramène à ses origines, le natif de Calade et son équipe s’engagent pour cette région tout en collines et coteaux qui pousse à adopter le bio. Ils s’investissent également pour la reforestation, et soignent les noyers qui s’effacent de leur foyer : « L’Homme ne fait que prélever ; il faut aussi savoir donner. Si nous pouvions favoriser des techniques qui ne s’appuient pas sur la chimie pour rendre aux sols ce qu’on leur a enlevé, ce serait pour moi un aboutissement. » Que l’artisan aux mains calleuses soit dans le cambouis de son « management d’action », virevoltant entre les machines et les situations, que le dirigeant soit à la tâche de la pistache ou en train de chercher de nouvelles optimisations, Jean-Marc s’en tient à ces quelques mots qui tissent sa détermination :

ciseler les valeurs associées à son nom, et toujours faire, à sa façon.